Le monde
de demAIn

Si tu avances quand je recule…

L’IA est trop risquée pour être assurée. C’est le diagnostic livré cette semaine par l’industrie de l’assurance. Un constat, prononcé par le secteur dont l’unique mission est de mettre un prix sur la catastrophe. Ceux qui vivent en calculant la probabilité de l’effondrement sont en pleine panique.

Le marché de l’assurance est paralysé face à l’intelligence artificielle. Le risque n’est pas assurable car il n’est pas quantifiable. La source du danger est illisible : le défaut vient d’une décision algorithmique, d’une erreur imprévue, d’une hallucination incontrôlable. C’est l’effet « boîte noire » que personne ne parvient à dissimuler.

Ce refus est un aveu. 

Toute l’économie de l’IA, que les GAFAM gonflent à coups de centaines de milliards et que les États n’osent plus réguler, repose sur un risque systémique non garanti. L’Europe s’engage dans la vassalisation technologique ; les États-Unis retirent les freins : personne n’ose assumer les conséquences de cette accélération.

Bienvenue dans le monde de demAIn où même les assureurs manquent d’assurance.

Nitro et glycérine

Le leadership technologique américain a toujours été pétri d’hypocrisie, mais là, on va clairement passer à l’échelle industrielle.

La grande manœuvre ne se joue pas sur le devant de la scène. Pendant que les médias se noient dans l’agitation quotidienne, plans de paix annoncés puis oubliés, guerres commerciales et taxes brandies comme des armes, déclarations fracassantes suivies de volte-face, l’essentiel se décide ailleurs. 

Dans l’ombre des dépêches, sous le vacarme du spectacle politique, les ordonnances exécutives réécrivent les règles du jeu. Tout s’est décidé en quelques jours, sans débat public ni résistance organisée.

Enjeux et perspectives 

D’un côté, l’État met le doigt sur la gâchette. 

Le président Donald Trump lance « Mission Genesis », un plan dont l’ambition est comparée à celle du Projet Manhattan et du programme Apollo. Mais contrairement à ces précédents historiques, Genesis est d’abord un partenariat public-privé où la Silicon Valley joue un rôle central. 

Les objectifs affichés sont scientifiques : accélérer la recherche en santé, en énergie et en climat. Mais les applications militaires ne sont évidemment jamais loin dans l’ordre des priorités. Le but réel : annihiler la concurrence mondiale en général et celle de l’empire du milieu en particulier. 

De l’autre, l’État retire le plancher sous ses propres pieds et se libère de ses chaînes.  

Le président Trump prépare activement un décret visant à bloquer toute régulation de l’intelligence artificielle par les États et cherche à uniformiser le cadre fédéral afin d’empêcher toute résistance locale, alors qu’une coalition de procureurs généraux d’États américains luttent pour le droit de réglementer l’IA, s’opposant à la préemption fédérale et soulignant les risques liés aux deepfakes et à la protection des enfants

L’argument officiel est la lutte contre la « réglementation excessive ». La réalité est que ce vide réglementaire constitue l’avantage concurrentiel exigé par les entreprises pour terrasser la Chine. 

À l’heure où des milliers de scientifiques et d’experts réclament un contrôle éthique strict de l’IA (y compris Steve Bannon, architecte de la stratégie MAGA et signataire d’une pétition appelant à interdire le développement de la superintelligence), l’État ignore cette mise en garde. On finance la vitesse et on retire le frein à main. 

L’impératif de suprématie dissout la conscience. La sécurité et l’éthique ne sont plus des priorités ; ce sont des obstacles à éliminer au nom de l’urgence nationale. 

Le seul plan des États-Unis : être le premier à faire sauter la banque.

Sources

Plus grosse est la grenouille

C’est une fable pour le nouveau millénaire. 

Le bœuf n’est plus le moteur du monde. L’économie mondiale n’est plus dirigée par les États-nations. Elle est sous la botte de quelques grenouilles. L’inversion de la hiérarchie est spectaculaire.

La preuve est sans appel : la capitalisation boursière cumulée de cinq entreprises technologiques, Apple, Microsoft, Alphabet, Amazon et Nvidia, ou Tesla selon les jours, est supérieure à la valeur totale de toutes les entreprises cotées en Chine. 

Le pouvoir ne se mesure plus aux armées ou aux frontières. Il se mesure au poids des algorithmes de la Silicon Valley.

La comparaison est démesurée. La Chine, avec toute sa puissance démographique et industrielle, vit dans l’ombre de quelques logos américains. La valeur n’est plus captée par la géopolitique, mais par l’algorithme.

Enjeux et perspectives

L’IA n’est pas un moteur de croissance, c’est une machine à canaliser la valeur. Le véritable choc est là : les investissements combinés des géants de la Tech dans le Cloud et l’IA sont estimés entre 350 et 400 milliards de dollars en 2025. Ce montant est équivalent au budget de défense cumulé de l’Union Européenne…

L’État est submergé par le secteur privé. 

Le pouvoir ne réside plus entre les mains des États, mais dans le code. Les GAFAM sont les propriétaires des infrastructures, des données et, par extension, de l’autorité. Le danger pour la souveraineté n’est plus l’invasion militaire, mais l’invisibilité économique. 

Les États-nations sont de plus en plus réduits au rôle de clients ou de territoires à exploiter.

Certes, ce rapport de force est caricatural. 

La Chine conserve une puissance colossale dans l’économie réelle et préserve son autonomie numérique grâce à ses propres champions. Les GAFAM génèrent certes d’énormes flux de profits, mais ce sont les champions de l’économie spéculative, celle qui valorise l’attente et l’infrastructure du futur. Mais à la fin, c’est la capitalisation qui dicte le pouvoir. 

L’État est moribond. Vive le conseil d’administration.

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Money for nothing

Il faut taxer le robot. L’idée sonne comme une plaisanterie fiscale. 

Le cofondateur de Microsoft, Bill Gates, avait formulé cette proposition dès 2017. Sa logique était d’une simplicité comptable : un travailleur humain génère de la valeur, laquelle est taxée par l’impôt et les cotisations sociales. Si un robot prend la place de cet ouvrier, il devrait être taxé à un niveau comparable.

La proposition n’est plus une théorie de milliardaire philanthrope. Elle est devenue une urgence concrète. En 2017, le débat portait sur l’automatisation de la logistique et de la conduite automobile. Aujourd’hui, il porte sur l’intelligence artificielle générative qui s’attaque aux cols blancs.

Le constat est injustifiable : l’entreprise Oracle a coupé plus de 3 000 emplois en septembre 2025, notamment dans sa division Cloud, pour financer massivement ses ambitions en IA. Et elle est loin d’être la seule à licencier en masse.

Le prix de la productivité signe la faillite du contrat social.

Enjeux et perspectives

Le véritable enjeu est la disparition de la base fiscale. L’État taxe le travail humain, mais demeure aveugle face à la productivité dématérialisée du silicium. Le robot est l’outil parfait pour détruire de la valeur sociale.

Bill Gates avait anticipé que la fiscalité était le seul moyen de ralentir l’automatisation, afin de permettre à la société de s’adapter. Il suggérait que les recettes fiscales générées compensent la perte d’emplois et financent le renforcement des services sociaux ainsi que l’investissement dans l’éducation. 

Le secteur privé brandira l’argument selon lequel la concurrence et l’innovation sont entravées. L’État est face à un choix : taxer la machine pour sauver l’humain via un hypothétique « revenu universel », ou laisser la machine enterrer le contrat social.

Productivité maximale + fiscalité nulle. 

Le mariage parfait, vous ne trouvez pas ? 

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Baissons la garde

L’événement s’est produit cette semaine. 

Prononcé lors d’une conférence à Bratislava, le discours de la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, n’est pas seulement une mise au point : c’est plutôt une sentence : l’Europe doit lever tous les obstacles à l’adoption de l’intelligence artificielle afin de ne pas se mettre en péril.

L’argument est simple : le vieux incontinent, ayant manqué la révolution Internet, ne peut se permettre de commettre la même erreur face à l’IA. C’est la reconnaissance forcée d’une fatalité économique.

Enjeux et perspectives

Ce positionnement crée forcément une tension insoutenable. 

La gardienne de l’euro, symbole de stabilité, est contrainte de plaider en faveur de la destruction de la régulation européenne. Le prix de la survie passe par l’abandon des principes.

La stratégie n’est pas de construire les modèles d’IA les plus avancés, on en est incapable, mais l’Europe est aujourd’hui condamnée à adopter et à déployer rapidement l’IA partout, car son objectif, selon Mme Lagarde, est d’atteindre un gain de productivité  « significatif ». Nous ne serons pas les maîtres du jeu mais les clients de seconde zone des États-Unis et de la Chine.

L’Europe s’achète une place à la table de l’IA en sacrifiant ses principes.

La contradiction est au cœur du discours : la BCE a averti d’une « exubérance temporaire » sur les marchés, de nouveaux mots pour définir la bulle spéculative. Pourtant, Mme Lagarde admet le paradoxe, affirmant que l’impact transformateur de l’IA justifie le risque. Elle propose d’abroger le frein à main de la réglementation, tout en sachant que l’Union doit maintenir une capacité minimale dans les couches fondamentales (puces, data centers) afin d’éviter une dépendance totale.

Les mesures annoncées récemment par l’UE pour alléger le fardeau normatif pesant sur l’IA et les données constituent l’exécution de cet aveu d’échec (cf. « RG sans PD » MdD #30). L’Europe doit donc baisser la garde pour rester dans le jeu. Elle s’engage dans une vassalisation technologique organisée, où sa seule option sera d’acheter l’avenir à ses rivaux.

Ainsi va la vie : nous ne construirons pas le futur, nous le louerons au prix de nos lois.

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Ainsi va l’OTAN

C’est le nouveau paradoxe de la défense occidentale. L’OTAN, l’alliance militaire la plus puissante du monde, ne peut plus faire confiance qu’à une seule entité pour moderniser ses opérations secrètes : un géant de la Silicon Valley.

L’OTAN Communication and Information Agency (NCIA) a signé un contrat d’un montant de plusieurs millions de dollars avec Google Cloud. Le but est d’accéder à l’intelligence artificielle la plus avancée pour gérer ses analyses, ses entraînements et ses données classifiées.

C’est un aveu de faiblesse : l’OTAN est contrainte d’acheter de l’intelligence pour moderniser ses opérations.

Enjeux et perspectives

Le contrat repose sur un oxymore : le concept de « cloud souverain air-gapped ». 

Air-gapped signifie que l’infrastructure est physiquement isolée, totalement déconnectée d’Internet et du cloud public de Google. L’OTAN garde le contrôle absolu de ses données militaires et de ses frontières physiques.

Mais la souveraineté n’est plus une affaire de matériel. C’est une affaire de logiciel. 

Le « cloud souverain» est une technologie entièrement américaine. L’alliance militaire dépend de la pile logicielle de Google (GDC et Vertex AI) et des mises à jour d’un fournisseur U.S. L’OTAN conserve la caserne, mais la clé de la serrure est détenue par le code de Mountain View.

C’est la militarisation sous contrat de service. Le pouvoir militaire est désormais délégué au secteur privé. Même l’alliance de défense la plus puissante ne peut plus développer sa propre IA en interne, avec la rapidité nécessaire, et doit s’y résoudre.

Le prix de la modernisation est la dépendance technologique. La souveraineté n’est plus perdue sur un champ de bataille ; elle est externalisée par contrat.

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Thé, lait et garde-fou

Le PDG de Swatch, Nick Hayek, a toujours cultivé la provocation. C’est l’ADN de la marque qui a bousculé l’horlogerie suisse en jouant sur l’irrévérence. 

Cette semaine, lors du lancement du nouveau service de personnalisation par IA, AI-DADA, Hayek a voulu tester l’esprit de sa propre machine.

Sa requête ?  Sexe, drogue et rock ‘n’ roll. Le triptyque d’une contre-culture devenue la Swatch attitude. 

Le système a refusé, catégoriquement. Ausgeschlossen !

L’équipe d’IA a dû expliquer que les garde-fous installés considéraient ces termes comme trop sensibles et inacceptables. Face au blocage, Nick Hayek s’est rabattu sur un consensuel : « thé, lait et yodel ».

C’est l’histoire d’un patron provocateur qui se retrouve censuré par sa propre machine.

Tic-tac, tic-tac. 

Enjeux et perspectives

Le robot est puritain. L’IA, malgré son nom, AI-DADA, inspiré par le mouvement artistique le plus rebelle, est programmée pour être une meilleure citoyenne corporative que son propre PDG.

Le système AI-DADA, qui permet théoriquement de créer des designs à l’infini reposant sur 40 ans de créativité débridée, est lancé dans un contexte où le groupe Swatch affiche des chiffres en baisse. Le besoin impératif de générer des profits via la personnalisation l’emporte sur l’ADN de provocation historique de la marque. La conformité algorithmique est la condition de la survie économique.

L’épisode confirme que l’entreprise reste une marque familiale, avec ses filtres de modération, tandis que le PDG conserve un style hérité de la culture marketing audacieuse qui a fait le succès de Swatch. 

Mais le message est clair : leur machine ne conserve du passé que ce qui est conforme à la légalité et au marché actuels.

AI-DADA a appris sa leçon : le yodel ne fait pas scandale.

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Le mot de la fin

Le pauvre galantin, fraîchement accordé à la fille du châtelain, se retrouva dans un véritable accul après sa dernière lourderie. Mû par une soudaine crise d’hippomanie ridicule, il avait tenté de monter sa fiancée sur l’antique branloire du jardin, provoquant sa chute et celle de ses plumes.

Honteux, le malheureux avait l’allure d’un claquedent et savait qu’il était trop tard pour hollander son habit souillé de cendre et de boue. Il se murait déjà dans une vie à libertiner, se préparant à ce que la famille de sa promise vienne le déprier de sa demande. Pour éviter cela, il entama une brève jaculatoire de pardon, tout en espérant secrètement ne pas finir sa vie comme un simple racleur dans une taverne mal famée.

Quel destin !

Enjeux et perspectives

Les mots que vous avez vus défiler, ce florilège de « galantin », « claquedent », « lourderie », « accule » et autres « racleurs », tout droit sortis d’avant le siècle dernier, n’ont pas été supprimés froidement par une cabale d’académiciens cacochymes.  

Ils sont morts de désuétude. 

La maison Larousse, dans « Les Mots disparus de Pierre Larousse », a officialisé leur disparition. C’est la loi de la langue, sa dureté : ce qui n’est plus utilisé n’existe plus.

Un accordé d’aujourd’hui n’a plus besoin d’un mot dédié : il a simplement un statut sur un réseau. L’hippomanie a été remplacée par l’addiction au scroll. On ne se donne même plus la peine de jobarder ; on manipule directement. On ne déprie plus, on ignore. Hollander des éditions n’est qu’un nettoyage nécessaire pour faire de la place aux néologismes.

LOL n’est-ce pas ?

L’ironie, c’est que l’homme a construit son propre salut. Il a créé l’IA qui a, sans vergogne, lu tous les livres et toutes les éditions passées des dictionnaires. 

Les machines n’étant pas soumises ni aux modes ni à la place limitée de l’imprimé, ce que nous avons jeté, elles l’ont archivé, préservant ainsi une mémoire linguistique que les éditions papier sacrifient pour des raisons d’espace et de pertinence contemporaine.

Ainsi donc, l’intelligence artificielle, souvent perçue comme une menace pour la langue (appauvrissement, contamination, traduction automatique), devient ici la gardienne involontaire du patrimoine linguistique oublié. C’est un renversement de perspective : l’humain trie, la machine conserve. 

La mémoire a simplement changé de camp

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App sous le radar : LeoLabs

Le concept

LeoLabs ne vend pas un produit. Il vend une vérité orbitale persistante. La société exploite un réseau mondial de radars pour créer une carte vivante de l’activité en orbite basse (LEO). Sa mission est d’assurer le Space Domain Awareness (SDA) : détecter, suivre et caractériser chaque objet, du satellite de communication au débris spatial. La société privatise la surveillance stratégique de l’espace et offre aux clients la capacité de « protéger les actifs de grande valeur ».

Les plus

C’est de la puissance brute. La précision et la persistance offertes par cette infrastructure radar sont impossibles à maintenir pour la plupart des États seuls. LeoLabs permet d’alerter sur les collisions (Space Traffic Management) et de sécuriser les lancements. Les opérateurs bénéficient d’une autonomie opérationnelle cruciale, sans dépendre des systèmes militaires traditionnels.

Les moins

Ce que montre LeoLabs est l’effrayant embouteillage en orbite basse, un chaos qui ne fait que commencer. L’application met en lumière la menace que représentent les projets futurs d’établir des data centers dans l’espace, ce qui aggravera l’encombrement et la menace de collisions. C’est la privatisation du regard stratégique : les États deviennent dépendants de fournisseurs privés pour l’information essentielle à leur sécurité nationale.

Pour qui ?

Les opérateurs de constellations de satellites, les agences spatiales chargées de la gestion de leurs lancements, les militaires pour l’évaluation des menaces. Pour toute entité qui doit protéger ses « actifs de grande valeur » dans un espace de plus en plus encombré et contesté, mais aussi pour les amoureux du ciel dégagé qui s’inquiètent de la pollution lumineuse et des risques de collision. 

Le verdict

LeoLabs ne résout pas la crise des débris. Il capitalise le risque. Le service est excellent mais il devient vite glaçant. 

 

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Dev. et Implémentation d'IA

L'Ère de l'IA

conférence l'Ére de l'IA

Modules 5 à 10 : Cours à la carte

Modules 1 à 4 : initiation à l'IA

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